Les ruptures de liens affectifs sont fréquentes. Bien qu’ils ne soient pas tous frappés avec la même force, presque tous sont douloureux et difficiles à surmonter. Claire Marin, docteur en philosophie de l’Université de Paris et membre du Centre international de philosophie française contemporaine, professeur et écrivain, a écrit « Ruptures : comment surmonter la déchirure qui produit une expérience douloureuse ».
Les ruptures, qu’elles soient sentimentales, familiales, professionnelles ou de toute autre nature, nous transforment et nous obligent à nous explorer en profondeur.
C’est pourquoi il est important d’apprendre à apaiser la violence des sentiments intérieurs, à les tolérer comme quelque chose d’inévitable et à les contrôler progressivement afin d’assumer notre identité.
C’est sur ce point que Claire Marin se concentre dans son nouveau travail « Ruptures : comment surmonter la déchirure qui produit une expérience douloureuse » (Encourages éditoriaux).
Marin explore les différentes formes de rupture auxquelles nous pouvons être exposés. En se basant sur elles, le philosophe montre comment les transformer en un moteur de changement dans nos vies.
L’auteur renonce à l’idée de rupture nette. « Nous ne nous déchirons pas comme quelqu’un qui coupe un papier le long d’une ligne pointillée, en respectant le motif et en revenant à la même forme qu’avant », dit-elle.
La rupture défait le tissu d’une vie commune. Cela entraîne un mélange d’identités dans lequel nous nous sentons souvent perdus. Rompre avec la famille, les amis, l’environnement, changer de travail, la langue… peut former une personne de la même façon que les liens le font, évalue-t-il.
« Ce qui nous définit est créé à la fois par les fourchettes et les lignes droites, par les ruptures de contrat et par le contrat lui-même », dit-il.
En fait, l’écrivain soutient qu’il est parfois nécessaire de rompre avec ce qui nous entoure « pour nous sauver » de ce qui entrave ou menace notre existence même.
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Types de rupture
Les larmes de la vie ne sont pas nouvelles. Ils font partie de l’existence humaine depuis toujours.
« Il faut parfois une première pause pour pouvoir voir et supporter tous les autres », dit Marin. Mais toutes les ruptures ne sont pas les mêmes.
La rupture de l’amour
Il est courant d’entendre le terme « rupture » lorsque quelqu’un met fin à une relation amoureuse.
« Ce sont les clichés qui aident à dire la vérité : le couple se sépare, mais cela ne signifie pas que les membres se battent », explique-t-il.
Pour elle, la rupture amoureuse est la tentative de se séparer d’une matière commune, du corps affectif, mais aussi du corps psychologique que le couple avait créé.
Rompre une relation amoureuse est, selon les mots de Claire Marin, « une expérience qui arrache ce que nous considérions comme étant le nôtre, ce que nous avions littéralement incorporé dans notre être.
La rupture est une expérience sensible et blessante. « Il nous transforme, il nous agresse physiquement. »
Mais il arrive un moment où la douleur s’estompe et où l’absence devient familière. C’est alors, selon le philosophe, que la séparation se renforce avec la disparition progressive du « vous » . « Je pense à lui, et non plus à vous », dit-elle.
Les accidents
« Les accidents exposent les fantômes et les potentialités de notre moi qui se trouvent généralement dans les coulisses », dit-il.
L’idée soutenue par l’écrivain est de faire d’un accident une expérience de pensée. « Une expérience qui fait réfléchir, c’est transformer cette souffrance en une expérience significative. »
Les personnes affligées espèrent trouver un sens, une raison qui justifie la souffrance physique. Marin note qu’une idée qui peut être réconfortante est de penser que nous vivons une autre facette de notre réalité.
Naissances et séparations
Bien qu’une naissance soit souvent considérée comme un début pour la mère, le bébé et le partenaire, c’est aussi une rupture profonde qui les perturbe. Elle peut changer d’autres relations familiales et émotionnelles.
Le docteur en philosophie affirme que « la naissance disloque, redéfinit les frontières et les limites des identités des relations ». Il est donc important de prendre au sérieux son pouvoir de changement.
Rompre avec la famille
Tout comme nous cessons de ressentir de l’affection pour un partenaire, l’amour familial peut disparaître.
« Nous devons envisager la possibilité qu’en amour, quelle que soit sa nature, il puisse y avoir une disparition soudaine des sentiments », dit Marin.
Disparitions
Dans ce cas, l’auteur donne comme exemple ce qui se passe avec certaines maladies psychiatriques ou neurologiques : nous souffrons aussi de l’indifférence que le patient semble montrer à l’égard d’une relation qui se perd.
« Qu’est-ce qui nous fait perdre quelqu’un avant qu’il ne meure ? » se demande l’auteur.
Sa réponse est claire : « Nous ne le reconnaissons plus. Nous pouvons constater un tel changement dans sa façon de penser, d’être, de se comporter… qu’il nous semble radicalement différent de la personne que nous aimons ».
Il est important d’apprendre à différencier les personnes qui ne sont pas comme elles étaient avant. « Gardez le souvenir de la personne que vous aimez et continuez à l’aimer, mais différenciez-la de celle qui est devant vous », dit-il.