Des chercheurs du Karolinska Institutet, en Suède, ont découvert des substances chimiques dans les tissus organiques de fœtus conçus de nombreuses années, voire des décennies, après l’interdiction de ces mêmes substances. Les chercheurs, qui ont publié leur étude dans Chemosphere, estiment que ces résultats devraient inciter les autorités de réglementation à reconsidérer l’impact de ces produits chimiques sur la société, comme l’explique Richelle Duque Björvang, chercheuse au département des sciences cliniques, des interventions et des technologies de Karolinska et premier auteur de l’étude.
Les chercheurs se sont principalement intéressés aux polluants organiques persistants (POP), des produits chimiques toxiques qui peuvent rester longtemps dans l’environnement et qui, malheureusement, peuvent aussi s’accumuler dans le corps humain. Ces substances peuvent être assimilées de différentes manières, par la nourriture, par l’eau ou même par l’air. Plusieurs pays, dont ceux de l’Union européenne, ont restreint, voire interdit, leur production et leur utilisation.
Les chercheurs ont analysé des échantillons de tissus prélevés sur les tissus adipeux, le foie, le cœur, les poumons et le cerveau de 20 femmes enceintes. Toutes ces grossesses s’étaient terminées par une mort fœtale au troisième trimestre dans les années 2015 2016. Dans chacun des organes analysés, les chercheurs ont identifié au moins 15 des 22 POP initialement envisagés pour la détection. Sur ces 15 substances, quatre avaient été retrouvées dans tous les tissus des fœtus.
Parmi les substances les plus fréquemment présentes, on trouve le HCB, un pesticide utilisé contre les champignons ; le DDE, un métabolite du DDT utilisé contre les insectes jusqu’au milieu des années 1900 ; et certaines variantes de PCB, des produits chimiques qui, il y a quelques décennies encore, étaient utilisés dans certains produits électriques. Pour certains fœtus, les substances présentes étaient supérieures à celles trouvées dans le sang maternel et le placenta, ce qui peut peut-être s’expliquer par le fait que ces substances ont tendance à s’accumuler davantage dans le tissu adipeux. Certains pesticides ont été détectés dans le tissu fœtal même s’ils n’ont pas été détectés dans les échantillons de sang maternel ou de placenta.
Selon Pauliina Damdimopoulou, chercheuse au département susmentionné et autre auteur de l’étude, les approches utilisées aujourd’hui pour quantifier l’exposition chimique des fœtus devraient être actualisées ou révisées car, pour certaines substances, l’exposition des fœtus est plus importante que celle mise en évidence par les échantillons de sang ou de placenta.
Selon M. Björvang, étant donné que ces substances ont été utilisées pendant des décennies, souvent dès les années 1970, et qu’il s’agit de produits chimiques persistants, il faudra plusieurs générations pour que l’exposition soit totalement éliminée.